Extraordinaire décor peint

Un extraordinaire décor peint

Les peintures d’origine

 Dès l’origine, la cathédrale Saint-Alain de Lavaur reçoit un remarquable décor peint, augmenté par celui de l’abside au XIVe siècle, puis des peintures des chapelles nord et sud (XIVe-XVIe).

Ces fresques gothiques éclatantes, au répertoire décoratif essentiellement végétal, disparaissent peu à peu, salies et partiellement recouvertes au XVIIIe siècle par un lait de chaux. Quelques témoignages au XIXe siècle évoquent leur présence dans quelques chapelles de la nef, puis disparaissent pour laisser place à une nouvelle décoration.

Les décors peints du XIXe siècle

Eglise cathédrale, Saint-Alain a souffert des pillages et destructions révolutionnaires. Ses cloches sont fondues, ses vitraux et des éléments de mobilier brisés, son sol « labouré » pour extraire le plomb des sépultures !

Tour à tour magasin civil, puis lieu du culte constitutionnel, l’ancienne cathédrale est dans un piteux état. Le siècle qui s’ouvre s’annonce comme celui du grand chantier de rénovation de l’édifice et du nouveau décor peint.

Le chef d’œuvre des Céroni

Pour réaliser leur grand projet, les fabriciens de l’église Saint-Alain se rapprochent d’un atelier d’artistes italiens, peintres itinérants qui sillonnent le Sud-Ouest, les Céroni. Un artiste nommé Céroni (peut-être Gaétan), originaire de Milan, est installé à Toulouse avant 1827.

Aidé d’un cousin et probablement d’autres peintres, il travaille en Aquitaine et Midi-Pyrénées – entre 1825 et 1870 – à la restauration et à la création de décors peints pour un grand nombre d’églises et quelques particuliers. Ils peignent en général à la détrempe, sur un enduit sec préparé.

Le décor réalisé à Lavaur entre 1843 et 1847 est incontestablement le plus ambitieux et le plus abouti de cet atelier. Malgré l’absence des documents relatifs à la commande, le programme apparaît clairement divisé en deux grands registres :

1. Aux murs de la nef, un complexe décor de grisailles en trompe l’œil, où émergent de grandes figures bibliques, de part et autre des baies. Outre les grands dais des personnages, les trompes l’œil redessinent les arcatures et fenêtres, et créent un faux niveau de tribunes ajourées, particulièrement spectaculaire à hauteur de l’arc triomphal du chœur. Ce nouveau décor superpose sur l’architecture épurée de la nef un parti plus flamboyant et découpé, qui évoque davantage la fin du gothique.

2. La couleur est réservée aux seules voûtes et retombées des pilastres. Aux voûtes de la nef et du chœur, l’esprit est au gothique flamboyant, devenu baroque par sa complexité ! Sur un fond bleu, de multiples découpages en trompe l’œil enserrent des médaillons polylobés où des figures saintes se détachent sur des fonds bruns. Les ogives et formerets sont soulignés de fins décors géométriques dans des tons chauds. Aux arcs doubleaux, dont le décor se prolonge sur les pilastres, les artistes ont réservé un décor d’esprit renaissant, fait d’arabesques et de frises, agrémenté de quelques figures et cartouches.

Hétérogène, parfois anachronique, ce décor peint monumental est un chef d’œuvre unique de la première moitié du XIXe siècle en Midi-Pyrénées.

Les Céroni ont limité leur intervention aux murs et aux voûtes de la nef, du chœur et de l’abside. Peut-être sont-ils intervenus dans quelques chapelles, mais la plupart semblent être le fait de décorateurs postérieurs. Leur chantier s’est étalé sur plusieurs années, nécessitant l’intervention de plusieurs corps de métiers, pour la réalisation du nouvel enduit et des échafaudages.

Le décor laisse clairement apparaître plusieurs « mains », le traitement des figures étant généralement laissé à un « spécialiste » de l’atelier.

Dans leur « Etude sur l’église de Lavaur et ses évêques », Héliodore d’Heilhes et l’abbé Cazes signalent que les deux cousins italiens étaient aidés d’un jeune toulousain nommé Ricard, qui devait devenir le célèbre père Bach de la Compagnie de Jésus.

L’arrière-sacristie : un ensemble exceptionnel du XVIIIe siécle

Le décor peint le plus ancien de la cathédrale se situe sur le flanc sud de l’édifice. Il recouvre les murs intérieurs de l’arrière sacristie, chapelle construite dans la seconde moitié du XVe siècle.

Au XVIIIe, le chapitre cathédral imagine la création d’une fresque à la gloire de la ville et de ses évêques. Le programme est certainement élaboré par l’un de ses chanoines, Audran (Lavaur 1663-1745), récent rédacteur d’un précieux manuscrit, les Annales de la ville de Lavaur, qui compile les hauts faits de la cité depuis le début du XIIIe siècle.

L’exécution est confiée à un peintre installé à Lavaur de longue date, Jean-François Lombergot (Albi 1689-Lavaur 1754), qui gravite autour du chapitre et des évêques. Il signe et date ce décor peint : « J.F. Lombergot, albiensis, pingebat anno 1730 ».

Aujourd’hui très effacé, le programme se développe sur les quatre faces de la chapelle et se décompose en deux parties :

  • Au mur sud, le peintre illustre des épisodes saillants de l’histoire vauréenne. Ces scènes peintes, accompagnées de leurs légendes latines, figurent le siège de Lavaur, le martyr de Guiraude, le Concile de 1213, celui des Trois Provinces tenu à Lavaur en 1368, et bien d’autres encore… Il s’agit là d’un témoignage unique, riche d’enseignements sur l’histoire de la cité épiscopale.
  • Les trois autres faces présentent un armorial complet, avec la date d’installation de tous les évêques de Lavaur jusqu’en 1730. Ce fabuleux décor reste encore très visible sur le mur ouest de la sacristie.

Véritable projection murale des savoirs et connaissances sur l’histoire vauréenne, fruit de l’érudition des hommes du XVIIIe siècles, cet ensemble peint où l’Art et l’Histoire se conjuguent, déborde le strict cadre du sacré pour rejoindre celui du bien commun.

L'armorial des évêques de Lavaur (P. Poitou)
L’armorial des évêques de Lavaur (Photos : P. Poitou)

Armorial
Armorial

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